20 Avr Loi d’urgence : les principales dispositions relatives au fonctionnement des collectivités
Loi du 23 mars 2020
Après un vendredi et un week-end continu d’examen, la loi relative aux mesures d’urgence a été adoptée ce dimanche 22 mars en soirée. Elle a nécessité la convocation d’une commission mixte paritaire Assemblée nationale-Sénat, pour concilier les différends entre les deux chambres. Le chapitre de la loi relatif aux élections municipales et aux mandats des élus locaux a été presque entièrement récrit. Le texte ne sera pas soumis au Conseil constitutionnel. Il est donc à présent définitif.
La synthèse élaborée par le Ministère de la cohésion des territoires relative au fonctionnement des collectivités territoriales et EPCI pendant cette période de crise est téléchargeable ICI.
Que contient la loi d’urgence définitivement adoptée ?
Communes où un deuxième tour est nécessaire
Dans les plus de 4 000 communes où un deuxième tour est nécessaire (communes de plus de 1000 habitants où aucune liste n’a atteint la majorité absolue et communes de moins de 1000 habitants où le conseil municipal n’a pas été élu dans sa totalité), ce deuxième tour devrait avoir lieu au mois de juin. Sa convocation sera décidée par un décret pris en Conseil des ministres « au plus tard le 27 mai ». Pour plus de simplicité, nous appellerons ce décret « décret 2ème tour ».
D’ici ce second tour, les mandats des conseillers municipaux sont prorogés.
La date de dépôt des candidatures a été l’objet d’âpres débats, dès vendredi. Un consensus a été trouvé sur le point suivant : les déclarations devront être déposées « au plus tard le mardi » qui suivra la publication du décret 2ème tour.
Si l’avis du Comité scientifique interdit la tenue du second tour au mois du juin, il a finalement été décidé – comme le demandait le Conseil d’État – de recommencer les opérations électorales, premier tour compris. Mais – la précision est très importante – uniquement dans les communes où le premier tour n’a pas été décisif. Si cette situation devait advenir, une loi devra être votée pour fixer la durée de prorogation des mandats en cours. Les deux tours du scrutin auraient lieu « dans les trente jours qui précèdent l’achèvement des mandats ainsi prolongés ».
Communes où le premier tour a été décisif
Dans les quelque 30 000 communes où le conseil municipal a été élu au premier tour, le 15 mars, il est donc confirmé que l’élection est « acquise ». Que le second tour ait lieu en juin ou même, si les conditions sanitaires l’exigent, après l’été, les mandats acquis le 15 mars dans ces communes – et uniquement dans celles-ci – ne seront pas remis en cause.
Un rapport du gouvernement au Parlement sera remis au plus tard le 23 mai, sur les recommandations du Comité scientifique. Le Comité scientifique examinera « les risques et les précautions à prendre » pour l’installation du conseil municipal et l’élection du maire dans ces communes ainsi que pour réunir les conseils communautaires.
Les conseillers élus au premier tour – qui auraient dû, en théorie, élire le maire ce week-end – n’entreront en fonction qu’au mois de juin, à une date fixée par décret (que nous appellerons ici « décret installation »). Ainsi, les assemblées délibérantes élues en 2014 et leurs exécutifs verront leurs mandats et fonctions prorogés jusqu’à la prise de fonction des nouveaux conseils municipaux. Le premier conseil municipal devra avoir lieu « au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction ». Dans les communes où le conseil municipal n’a pas été élu au complet, ils entreront en fonction « le lendemain du second tour de l’élection ».
Conseils communautaires
Les conseils communautaires dont toutes les communes membres ont élu leur conseil municipal complet au premier tour (le 15 mars) réuniront leur assemblée, « dans sa nouvelle composition », au plus tard trois semaines après le « décret installation ». En attendant, une prorogation du conseil communautaire sortant et de son exécutif est prévue.
Dans les autres EPCI (soit ceux dans lesquels au moins une commune va connaître un deuxième tour), les choses sont plus compliquées. Il y aura plusieurs phases successives. Tout d’abord et comme dans les autres EPCI, le maintien des équipes en place avant le premier tour avec prorogation de l’exécutif dans son intégralité. Puis une seconde phase entre la publication du « décret installation » et la première réunion suivant le second tour : un conseil communautaire provisoire « mixte » sera composé d’une part des conseillers nouvellement élus dans les communes où le premier tour a été décisif ; et d’autre part, des conseillers en exercice avant le 1er tour dont le mandat a été prorogé. La composition de cette assemblée tiendra compte du nouvel effectif et de la nouvelle répartition des sièges entre les communes (un dispositif particulier est envisagé pour les communes qui doivent organiser un second tour). Pendant cette période, présidents et vice-présidents sortants seront reconduits jusqu’après le second tour des élections municipales.
Droits et obligations des élus
Un point de droit important a été ajouté dans le texte, soulevé en commission des lois : les candidats qui ont été élus au premier tour et dont l’entrée en fonction a été différée ne se voient pas conférés « les droits et obligations attachés à leur mandat » jusqu’à leur prise de fonction. C’est le cas –par exemple– des incompatibilités. Autrement dit, par exemple, un sénateur qui aurait été élu le 15 mars mais dont l’entrée en fonction est différée reste sénateur jusque-là.
En revanche, ils doivent être informés des décisions prises par le conseil municipal « prolongé ». Ils devront donc être destinataires en copie de l’ensemble des décisions entrant dans le champ de l’article L 2122-22 du CGCT (attributions exercées par le maire au nom de la commune).
Conseils municipaux, quorum et dates butoirs
Des conditions allégées de réunion des conseils municipaux ont été décidées, pour le moment où ils auront de nouveau le droit de siéger : le quorum est abaissé de la moitié au tiers des membres du conseil municipal (mais également des assemblées délibérantes des autres collectivités territoriales et des EPCI). Si ce quorum d’un tiers n’est pas atteint, une deuxième convocation doit être faite « à trois jours au moins d’intervalle ». Les conseils pourront alors délibérer sans condition de quorum. « Dans tous les cas », les membres de ces assemblées pourront être porteurs de « deux pouvoirs ».
Par ailleurs, la loi prévoit qu’un dispositif de vote électronique ou par correspondance peut être mis en œuvre, sauf pour les scrutins où la loi exige un vote à bulletin secret.
Des ordonnances seront prises pour « assurer la continuité des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences » : elles permettront des dérogations notamment aux règles « régissant les dérogations, l’exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales, les règles d’adoption des documents budgétaires, dates limites d’adoption des délibérations relatives au taux, au tarif ou à l’assiette des impôts directs locaux ou à l’institution de redevances »…
Autres dispositions
Le texte adopté définitivement comporte enfin un certain nombre de dispositions diverses.
• Par dérogation, les vacances au sein des conseils municipaux ne donnent pas lieu à des élections partielles jusqu’à la parution du « décret installation » ou du second tour des élections municipales.
• Les mandats de représentants des communes, EPCI et syndicats mixtes fermés au sein des organismes de droit public ou privés sont prolongés « jusqu’à la désignation de leurs remplaçants ».
• Concernant le second tour, là où il devra avoir lieu : la campagne électorale s’ouvrira « le deuxième lundi » qui précédera l’élection. Les interdictions usuelles en matière de communication (qui avaient débuté le 1er septembre 2019), continuent de courir, tout comme la période de recueil des fonds par le mandataire financier. Le dépôt des comptes de campagne est fixé au 10 juillet 2020 pour les listes « non admises ou ne présentant pas leur candidature au second tour », et au 11 septembre à 18 h pour celles qui seront présentes au second tour. Pour celles-ci, les plafonds de dépenses seront majorés au maximum de 1,5.
Cette loi devrait être promulguée dès aujourd’hui, lundi 23 mars.